Médium un jour, médium tous les jours (tome 2)

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Extrait du Médium un jour, médium tous les jours, tome 2

Je rassurai tout de suite Maman en l’informant que j’allais orchestrer toutes ses affaires personnelles. Je lui proposais alors de me rendre à son appartement, histoire d’aller chercher quelques chèques à lui faire signer, afin que je puisse payer les frais mensuels dont elle avait l’habitude de s’occuper.

Je quittai la chambre vers 10h45, car j’entrai dans l’appartement de Maman à 11h00, elle qui habitait tout juste derrière la Cité de la Santé. Au moment où je franchis le seuil de la porte, j’entendis la voix d’un homme à l’intérieur de moi me dire: «Prépare les vêtements pour le cercueil maintenant, tu vas en avoir besoin plus vite que tu ne le penses».

J’ai l’habitude d’entendre ce genre de consignes, moi qui ai eu le «bonheur» de connaître à l’avance le départ imminent de la plupart des membres de ma famille jusqu’à aujourd’hui. J’étais tout de même surprise par une telle consigne, car je venais tout juste de quitter ma mère, avec qui j’avais eu une conversation cohérente et sensée.

Revenue rapidement du choc de la nouvelle, je me mis alors à la place de Maman pour savoir quels seraient les vêtements qu’elle aimerait porter pour son dernier rendez-vous, elle qui aimait tant être bien mise et coquette. Elle avait déjà spécifié ne pas vouloir vivre la crémation du corps, tout comme on avait fait pour mon père quelques quatre années auparavant. J’ai toujours soupçonné Maman d’avoir vécu l’expérience du bûcher dans une autre vie, elle qui avait si peur du feu (tout comme moi d’ailleurs…), mais cela est une autre histoire (sourire).

Elle souhaitait être dans un beau cercueil, le couvercle refermé sur lequel une photo d’elle allait être déposée. Ma mère refusait que l’on puisse faire des commentaires sur sa personne du genre «As-tu vu comment elle est belle?». Elle redoutait encore plus celle-ci «Mon Dieu qu’elle a grossi ou qu’elle a changé!» (sourire).

Je m’efforçai de penser à tout; la voix, toujours la même, me guidant au fur et à mesure des choix d’accessoires et de vêtements. Une fois la robe choisie, ce fut au tour des sous-vêtements, puis des bas et des chaussures… et quelques bijoux pour orner le tout. Le sourire aux lèvres malgré les circonstances, je me rappelai d’un souvenir familial quand je pris le temps de toucher la robe de chambre toute neuve que Maman avait bien pris soin de placer dans sa garde-robe.

J’ignore si vous connaissez cette coutume, mais chez nous, c’était non seulement une tendance, mais quasiment un devoir (sourire). J’ai été élevée en croyant utile (voire nécessaire) d’avoir toujours dans un tiroir des sous- vêtements neufs (propres et jamais portés, pendant des années…) avec en plus une jaquette (ou robe de nuit, pyjama), ainsi qu’une robe de chambre complètement neuve, juste au cas où nous serions admis à l’hôpital. Eh oui, même moi, j’ai eu longtemps «mon kit d’hôpital». Une belle programmation pour être malade (hihihi!)!!!

Maman appelait cela de la prévoyance, je nommais ainsi la chose comme inutile, moi qui n’ai jamais été malade et les seules fois que je suis allée à l’hôpital, c’était quand j’avais quatre ans pour une intervention pour les adénoïdes (mucus), et deux autres fois pour donner naissance à mes deux enfants.

Dans les faits, la robe de chambre pouvait être suspendue dans une housse pendant plus de dix ans sans avoir été portée… et au moment où on se décidait enfin d’en faire usage, elle était démodée. Selon Maman, être malade était une chose, mais fallait-il tout de même être au goût du jour, et avoir l’air propre… (cré Maman!). Fin de l’anecdote.

Ayant mis tous les vêtements et les accessoires dans un sac, je pris alors le temps de m’arrêter quelques instants pour jeter un dernier regard sur cette chambre, et sur ces meubles qui avaient été témoins de mon enfance, essuyant une petite larme du coin de l’œil. J’avais l’impression que j’étais les yeux et les mains de Maman, juste pour quelques instants. J’aperçu alors dans le coin de la pièce, un petit toutou que j’avais donné à mon père dans les derniers jours de sa vie, alors qu’il était au CHSLD et que Maman avait conservé en souvenir de «son pit». J’allais le placer avec elle dans le cercueil, cela allait sûrement lui faire plaisir.

Puis j’apportai un gros éléphant en peluche, souvenir de la St-Valentin offert à Maman quelques années plus tôt, alors que j’avais été l’intermédiaire de mon père. J’avais eu le goût de lui faire plaisir et surtout lui rappeler qu’il était inutile de se sentir coupable pour cet homme qui avait su l’aimer du mieux qu’il le pouvait toutes ces années. Mes parents vécurent ensemble pendant plus de 50 ans, et il était coutume de «s’endurer» bon nombre d’années, selon la croyance des personnes de cette génération. Certes l’amour était présent entre mes parents, mais les souffrances et les non-dits ont bien plus souvent qu’autrement jeté une ombre sur les dessous de cette vie amoureuse.

Une fois le tour de l’appartement fait, je verrouillai la porte derrière moi pour retourner au chevet de Maman. À peine une heure s’était écoulée depuis mon départ de l’hôpital, et au moment de mon arrivée dans la chambre, je fus témoin d’une scène que je n’oublierai jamais.

Autant ma mère était relativement éveillée et cohérente lors de mon départ, elle était alors somnolente, le regard évasif, la voix à peine audible, elle était sans l’ombre d’un doute sous les effets d’une forte médication. Elle semblait apaisée, mais en fait elle était hors de tout doute «légalement droguée».

J’eus tout le mal du monde à lui faire tenir un crayon afin qu’elle puisse signer les chèques, comme nous en avions convenu quelques minutes auparavant. J’étais sidérée de constater l’état dans lequel je la trouvais. La médication du protocole de soins palliatifs avaient été administrée, et les effets étaient rapidement constatés. Je ne pouvais communiquer avec elle que par télépathie, le langage du cœur, et même dans cette situation, Maman semblait totalement confuse dans sa façon de me répondre. «Je ne sais plus», était sa réponse aux questions que je lui posais.

Dans un autre chapitre, j’aurai l’occasion de vous reparler des effets secondaires des protocoles de fin de vie. Il est important à mon avis d’en connaître les conséquences sur le départ d’un être cher vers l’autre dimension, et pour nous de savoir comment agir pour la bonne suite des évènements, et pour le repos de l’âme du défunt.

Pour ma part, je savais qu’il me fallait faire vite. Nous étions vendredi après-midi, et j’étais invitée à participer au Salon de l’Éveil à Laval dès le lendemain, et ce pour tout le week-end. J’y présentais entre autres une conférence le dimanche matin. De plus, je me devais de commencer à orchestrer les arrangements funéraires, moi qui partais avec un groupe de voyageurs pour l’Inde dans exactement 17 jours.

Après avoir échangé  avec les infirmières qui s’occupaient de Maman, je choisis alors de prendre le temps pour me préparer physiquement et émotivement pour la suite, en demeurant à l’écart de Maman pour quelques heures. J’ai alors accroché sur le mur juste devant son lit le fameux éléphant que j’avais rapporté de son appartement tenant un gros cœur rose fushia dans ses mains, et dans le recoin de son bras, j’avais placé une rose rouge.

C’était ma façon à moi de lui signaler que j’étais à ses côtés et que j’allais la guider, même si physiquement il m’était impossible d’être là pour lui tenir la main. Je ne pouvais pas me désister des engagements professionnels que j’avais pris plusieurs mois auparavant. Dans le fond de mon cœur, j’étais en paix avec ce choix et je sentais que Maman était aussi d’accord avec ce fait. Je l’aimais et j’allais être là quand elle allait avoir besoin de mon aide, et cela, nous le savions toutes les deux. Dans de telles circonstances, c’était la seule solution qui m’était offerte, sachant que l’on peut bien entendu être au chevet d’une personne en phase terminale par la pensée. Souvent, les membres de la famille se sentent obligés de rester auprès de la personne qui se prépare à les quitter, ne désirant pas du tout la laisser seule, même pas un instant. Et pourtant, combien de fois avons-nous entendu l’histoire de la personne qui est décédée au moment où celle qui fut à son chevet pendant des jours et des semaines, eut le besoin de s’absenter à peine quelques secondes. C’est ainsi.

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